Nous les connaissons tous, et ils sont nombreux, ces gens qui ont toujours rêvé d’avoir un chien sans jamais oser sauter le pas. Une des raisons fréquemment avancées : le bureau, avec son lot de stress et le manque de temps. Comment faire pour que ça marche?

Je suis juriste en droit économique et propriétaire d’un bouvier bernois femelle qui me tient compagnie non seulement pendant mes loisirs, mais aussi au travail. Dans le milieu juridique, elle et moi faisons plutôt exception : dans ce secteur, en effet, combiner «chien et carrière», qui plus est «chien de bureau et carrière», est une question qui ne se pose pas encore vraiment. D’ailleurs je ne compte même plus les fois où l’on m’a demandé comment j’arrivais à concilier mon travail avec un chien. Je constate toutefois que la perception d’une contradiction totale entre chien et carrière dépasse aussi le cadre professionnel.  Mais au fait, pourquoi?

En tant que juriste, plus jamais sans mon chien!

J’ai moi-même grandi avec des chiens. Et j’ai toujours su que plus tard, je ne voudrais pas me passer de chien – d’ailleurs, je ne saurais pas. La question n’était par conséquent pas de savoir si j’en adopterais un mais comment m’y prendre. Pour le faire dans les règles de l’art, j’ai adopté Sola, mon bouvier bernois femelle, pendant mes études, ce qui, soit dit en passant, a nécessité une année d’intenses préparations. J’avais par exemple avancé les examens de deux semestres pour les passer en même temps – et je les avais tous réussi. Cela m’a permis, le semestre suivant, d’avoir plus de temps à consacrer à l’éducation de mon chiot. Je me demande encore aujourd’hui comment j’ai bien pu y parvenir. Mais je pense que quand on veut vraiment quelque chose, on acquiert des superpouvoirs et on se transforme en championne de l’organisation. Je ne peux pas me l’expliquer autrement.

Ça fait déjà sept ans que j’ai ma chienne. Elle ne m’a pas une seule fois gênée dans tous les projets que je pouvais avoir. Bien au contraire. Quand je suis crispée sur un projet, elle arrive toujours à me faire rire. Elle me rappelle invariablement de faire des pauses quand elle veut sortir. Grâce à elle, je suis sûre d’arpenter la nature au moins une heure et demie par jour. Et s’il m’arrive de douter de moi ou quelque chose dans le genre, elle ne me juge pas. Je suis assez bien pour elle – toujours! Elle me pousse à lâcher prise et à me ressourcer. Jour après jour. Grâce à elle, je fais un meilleur travail, durablement et en étant de bien meilleure humeur que si elle n’était pas là. Cela fait d’elle non seulement la meilleure «patronne», mais aussi la meilleure compagne et amie que j’aurais jamais pu souhaiter avoir. Difficile pour moi de décrire à quel point je suis reconnaissante de l’avoir à mes côtés!

Par conséquent, quand quelqu’un me demande comment je concilie mon travail et mon chien, je lui réponds que c’est justement grâce à elle si j’y parviens aussi bien.

Les chiens arrivent même à faire fondre les managers.

Comme on m’a tellement souvent demandé s’il était compatible de faire carrière et d’avoir un chien, j’ai partagé sur la plateforme d’affaires LinkedIn un article dans lequel je décrivais mon expérience à ce propos. Je n’avais rien lu de semblable auparavant sur mon réseau et je voulais exprimer à quel point mon chien me faisait du bien – en particulier au travail.

À ma grande surprise, ce post est rapidement devenu viral. Comme si cela ne suffisait pas déjà, cet article a déclenché ce que je n’aurais jamais imaginé: plusieurs centaines de commentaires accompagnées d’une avalanche de photos. Tous ces «carriéristes» d’ordinaire sérieux, neutres et hautement professionnels, par exemple des avocats, des cadres et des spécialistes de la finance, nous laissaient entrer dans leur intimité, partageaient des selfies avec leurs chiens et racontaient ce qu’ils avaient personnellement vécu avec eux.

Une présentatrice de télévision écrivit par exemple qu’elle avait mis le marché en main à son ancien employeur en lui disant: «Soit je peux amener mon chien au bureau, soit je démissionne!» et que sans son chien, elle se dépensait et riait beaucoup moins. Autre exemple: le directeur d’un hôtel-restaurant et son chien de Rhodésie à crête dorsale, eux aussi inséparables au travail. L’homme expliquait qu’ils avaient même vécu un certain temps à l’étranger et travaillé «ensemble» à se construire une nouvelle existence en Allemagne. Une DRH raconta que les plaintes pour cause de harcèlement avaient baissé depuis qu’ils avaient des chiens au bureau et un avocat expliqua qu’il emmenait même volontiers son chien aux réunions parce qu’il détendait l’atmosphère et que cela permettait aussi généralement d’obtenir des résultats plus rapidement, par exemple lors de négociations de contrats.

Toutefois, un récit me ravit et me toucha particulièrement. Une organisatrice d’évènements raconta que cela faisait vingt ans qu’elle voulait un chien, et qu’elle pensait que ce n’était pas possible. Cependant, en lisant mon article et les nombreux commentaires qui s’accordaient sur le fait qu’avec un peu d’organisation tout est faisable – commentaires dont les auteurs affirmaient qu’ils ne voudraient plus pour rien au monde se passer de leurs compagnons à quatre pattes – elle s’était dit que le moment était venu pour elle aussi de trouver des solutions. Deux mois plus tard, elle posta un nouveau commentaire. Cette fois-ci, une photo avec son chien. Elle écrivait: «Soudain, tout est allé très vite. Samedi, mon souhait d’avoir un chien s’est enfin réalisé! Je suis si heureuse! Et toute la partie organisation est réglée.»

Un chien est un être vivant, pas un gadget de bureau!

Une fois l’organisation prise en main, un chien n’est pas un frein pour votre carrière. Bien au contraire, il peut même la favoriser énormément. Bouger, prendre l’air, être incroyablement joyeux, faire régulièrement des pauses et évoluer dans un cadre professionnel plus agréable sont justement les choses qui manquent aujourd’hui à beaucoup de gens, non seulement au bureau, mais aussi à la maison. Par exemple, c’est très bien de vouloir être patron à New York, encore faudrait-il aussi se demander comme aider son personnel à trouver les solutions qu’il lui faut en matière d’organisation.

Il convient toutefois de souligner ici aussi qu’un chien n’est pas un objet que l’on s’achète comme une chaise de bureau ou un nouvel ordinateur dans l’espoir qu’il nous facilite le travail. Un chien est un être vivant qui a besoin de beaucoup d’amour, d’attention et de soins, et ce pas seulement pendant les heures de travail. C’est aussi un individu dont le bien-être devrait être une priorité absolue. Les chiens sont tous différents. Tous ne sont pas faits pour rester tranquilles pendant des heures au bureau, attendre seuls pendant les réunions ou être emmenés en voyage. Il y en a qui aiment ça et se sentent tout simplement heureux d’être en compagnie de leurs propriétaires. C’est ce qu’il ne faut pas oublier.

Mon article s’adresse à des gens conscients de cela et comptant parmi ceux qui ont toujours rêvé d’avoir un chien sans oser sauter le pas de crainte qu’il ne gêne au bureau ou constitue à frein à leur carrière; en leur présentant mon expérience d’un point de vue plus personnel que scientifique (il y a déjà suffisamment d’études sur cette question), j’avais dans l’idée de leur mettre du baume au cœur. Alors oui, faire carrière et avoir un chien, c’est compatible! Et même tout à fait compatible tant que la situation le permet ou que l’on fait qu’elle le permette. En revanche, pour trouver des solutions, il ne faut plus se demander si c’est possible mais comment s’y prendre.

Anna Murk, LL.M.EUR.

Cofondatrice de LEGAL LAYMAN

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